Pierre Benoit est un auteur phare de la Maison Albin Michel, qui a connu un grand succès de son vivant en France. Pour commémorer le 50ème anniversaire de sa disparition, plusieurs de ses titres ont été réédités, dont celui que je viens de lire : « La Châtelaine du Liban ». Le roman a également la chance d’être préfacé par Amélie Nothomb, qui souligne notamment le fait que l’on reproche souvent aux romans « d’avoir vieilli » mais qu’elle souhaite à tous les vivants d’avoir d’aussi belles rides que celui-ci.
En effet, ce roman a vieilli. Ou, plus exactement, c’est le goût des lecteurs qui a changé (quoi de plus normal en 100 ans ?). Dans « La Châtelaine du Liban », on trouve une profusion de descriptions (un peu désuètes), de longues pages contemplatives (un peu poussiéreuses) sur les paysages du Liban, sur les mœurs du pays et des officiers qui y sont exilés. L’écriture est très soignée mais je dois bien avouer que je ne fus guère emportée par cette écriture que j’ai trouvée étouffante (et même parfois fatigante ) car elle prenait le pas sur l’intrigue elle-même. Et c’est bien là la seule critique que je puisse faire à ce livre, cette place énorme que l’auteur a donnée au Liban, à ses paysages et ses habitants, car je me suis retrouvée telle une étrangère, un peu perdue, parmi ces contrées. Mais quand on lit la préface, on comprend les raisons de cette prédominance du cadre : on y apprend en effet que Pierre Benoit a séjourné de longs mois sur place et que c’est là que son histoire a pris vie.
Résumé : Dans les années 1920, le capitaine Lucien Domèvre est muté à Beyrouth. Habitué à la vie spartiate du désert, le jeune officier est happé par un tourbillon de mondanités. Dans les cercles très fermés de cette ville cosmopolite, il croise une troublante comtesse anglaise, Athelstane Orloff, veuve d'un diplomate russe. Elle s'identifie à une célèbre aventurière anglaise du début du XIXe siècle, Lady Stanhope, au point d'habiter, comme elle, une forteresse inaccessible dans les montagnes. Fou amoureux, Lucien est prêt à tout sacrifier à cette femme fatale: sa fiancée, sa fortune, et pourquoi pas, son honneur…
Le héros de ce livre, Lucien Domèvre, est donc un jeune homme tout à fait attachant, qui se fait littéralement envouter par une croqueuse d’hommes tout à fait consciente de son charme, une femme qui mène une vie de luxe et de volupté, qui n’a que peu (voire pas) de scrupules, et qui aime à se jouer du sexe fort (qui ne l’est plus du tout en sa présence, soit dit en passant). La Comtesse Athelstane Orloff, sans conteste le personnage le plus fort du roman.
Athelstane est aussi belle et envoutante que manipulatrice et cruelle… elle est nimbée de mystère ce qui lui donne encore plus d’aura, et on comprend tout à fait qu’elle fasse tourner la tête des hommes, et tout spécialement de notre Domèvre. Pierre Benoit nous dresse là un très beau portrait de femme et il excelle dans la narration des choses de l’amour : la rencontre, la fascination, l’envie, la tentation, la passion, la jalousie… tout est conté de fort adroite manière.
Pierre Benoit nous relate également, avec tout autant de talent, la peur de l’amour finissant, les sacrifices qu’est prêt à faire l’être aimant pour ne pas perdre l’être aimé … non sans rappeler le célèbre couplet de Brel « Laisse-moi devenir l'ombre de ton ombre, l'ombre de ta main, l'ombre de ton chien ». Désolant, affligeant… et tellement triste.
Même si Domèvre et sa châtelaine prennent toute la place, mon personnage préféré fut le meilleur ami de Domèvre, l’officier Walter. Un héros, un vrai, un homme droit et intègre, un personnage éminemment viril, que j’aimerais beaucoup découvrir dans une adaptation cinématographique. Sa place n’est pas importante dans le roman en nombre de pages, mais elle se révèle tout à fait centrale dans l’intrigue. Vraiment, il m’a tout à fait charmée (miam miam, oserais-je ajouter ).
Mais il n’y a pas que de l’amour dans ce roman, vous y trouverez également des manigances, de l’espionnage, des liens familiaux, des mondanités, de l’amitié et de la camaraderie… un mélange tout à fait exotique.
Il me faut préciser que tout le monde ne pourra être charmé par ce roman, parce qu’il faut lui laisser le temps, parce qu’on n’est pas dans l’immédiateté de l’action, mais plutôt dans la contemplation. Amateurs de « Quick Easy Reading », de récits modernes, de bit-lit, de littérature jeunesse légère, passez votre chemin car je doute que vous y trouviez votre compte (j’en suis même certaine).
Par contre, si vous êtes amateur de romanesque, de réalisme (au sens de celui des auteurs du 19ème siècle), de style, d’aventures et d’exotisme, de belle littérature (non que les genres précités ne soient pas beaux, loin de moi cette idée), alors vous aimerez partir à la découverte de ces paysages et de ces personnages aussi forts qu’émouvants.
Ma note :