"Délicieuses pourritures" est un roman qui se trouve dans ma PAL depuis des mois et que je me suis finalement décidée à lire.
Et je dois bien avouer que je ne m'attendais pas à cela.
L'histoire se déroule dans un campus féminin, dans la Nouvelle-Angleterre des années 1970. Gillian Bauer, vingt ans, brillante étudiante de troisième année, tombe amoureuse de son charismatique professeur de littérature, Andre Harrow. Celui-ci a décidé de faire écrire et partager en classe à ses élèves leur journal intime. Et gloire à celle qui offrira son intimité en pâture! Anorexie, pyromanie, comportements suicidaires... un drame se noue...
Dès les premières lignes de ce petit roman (126 pages), on se retrouve plongé dans une atmosphère assez lourde et mystérieuse. Nous côtoyons, au coeur des vieilles maisons d'époque 18ème siècle de ce campus, des étudiantes passionnées d'art, et surtout de poésie. Dans cette université, un professeur retient toutes les attentions, Andre Harrow : il subjugue ses étudiantes à coups de regards appuyés, de lectures suggestives, et de discours libertaires. Il sait la fascination qu'il exerce sur elles et il en joue.
Peu à peu, un jeu malsain s'instaure. Toutes
attendent désespérément un regard, un sourire, un compliment. Et de là, vont naître rivalités, jalousies, mesquineries, mal-être... certes propres à leur âge, mais décuplés en raison de l'aura du
professeur.
Tour à tour charmeur, ténébreux, tyrannique et condescendant, il exige toujours davantage de ses étudiantes, il veut qu'elles se livrent dans leurs écrits, qu'elles se mettent à nu, qu'elles parlent de leur intimité, de leurs blessures. Il n'a de cesse de leur répéter "d'aller plus profond, de chercher la jugulaire". Et elles finiront par trouver cette jugulaire... et même par la trancher à vif, la laissant vomir tout son sang caillé sur elles, naïves étudiantes énamourées.
Vous le comprenez, à un moment, l'histoire dérape. Et elle devient de plus en plus malsaine, dérangeante, voire glauque au possible... créant à la fois la répulsion du lecteur mais aussi sa curiosité.
Dans ce roman, de nombreux personnages sont troublants, tant du côté des professeurs que des étudiantes. Même un perroquet anodin finit
par devenir inquiétant à son tour. Et puis il y a la flamboyante Dorcas, la sculptrice, que l'on imagine au début comme une espèce de Pablo Picasso au féminin en raison de ses excentricités. Mais
qui se révèlera bien plus que cela.
Quant à l'écriture de J.C. Oates, je l'ai vraiment appréciée. Elle oscille entre grâce et sensualité mais elle sait également être tout
à fait dérangeante et tranchante, pour nous faire ressentir l'atmosphère au plus profond de nous-même.
Pour vous exprimer mon ressenti général sur cette lecture, je vais me servir d'une des scènes du roman, dans laquelle Janis Joplin est en fond sonore. J'ai trouvé ce choix très pertinent car, au bout du compte, "Délicieuses Pourritures" est comme cette chanteuse : à la voix tellement particulière, envoutante et dérangeante à la fois. Une voix qui grince... tout comme cette histoire.
C'est un livre qui ne se lit pas, c'est un livre qui se ressent. Il vous remuera, il vous tordra le ventre. Vous aimerez ou vous détesterez, il n'y aura pas de juste milieu, j'en suis persuadée.
Ma note :
Note personnelle : à tous ceux qui ont fréquenté
l'ULG, Dorcas m'a furieusement fait penser à un de nos professeurs par bien des aspects. Je ne la nommerai pas, par respect pour elle mais j'espère que vous m'enverrez un MP pour me dire à qui
vous avez pensé durant votre lecture !